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ROMAN : QUE DIEU NOUS PARDONNE

avatar jessicaparker
De jessicaparker
Le 11/06/25 à 11:57:41

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avatar jessicaparker
De jessicaparker
Le 11/06/25 à 13:51:56


Chapitre 1 – Que Dieu nous pardonne (mais pas tout de suite)

Il relut une dernière fois le mot, soupira profondément, puis le balança comme les 348 autres avant lui.

Une gerbe de plus, des couronnes géantes, trois paquets de condoléances, et toujours la même phrase débile imprimée en doré sur fond gris :

“Nous pleurons la disparition de notre bien-aimé Cardinal Pougne.”

Il leva les yeux au ciel.
— Mais je suis VIVANT, bordel à soutane !

Son cri fit trembler un crucifix, deux vitraux et probablement un ange en stage d’observation.

— Ils sont bêtes à manger des cierges, hypocrites comme une procession sous cocaïne…
Ça va être folklorique, cette histoire.

Il n’eut pas le temps de finir sa complainte que des pas légers, un sifflement ridicule et une chanson idiote approchèrent dans le couloir :

“C’est qui qui va avoir une promo ? C’est Bibi !”

BOUM.
La porte du bureau s’ouvrit comme un miracle sous acide.
Apparut PierreSansValeur, le cardinal stagiaire, le seul être humain capable de confondre un enterrement et une partouze géante .

Il resta planté là, bouche entrouverte, front moite, expression de merlan en panique.

— Mais… vous… vous êtes pas mort ?
— Dommage, hein ? lâcha Pougne d’un ton glacial.
— Un peu, oui, répondit PierreSansValeur, sincèrement dépité.

Pougne leva les yeux au ciel une deuxième fois. Il savait que Dieu ne répondrait pas, mais ça lui permettait d’éviter le regard de l’idiot.



Pendant ce temps, à des milliers de kilomètres de là, quelque part entre l’arrière-pays, l’au-delà et un coin de forêt que personne n’a jamais voulu cartographier ,deux vieilles dames sirotaient un thé au rhum en maugréant contre la modernité.

Mémère, 108 ans d’aigreur joyeuse , avait été invitée chez Souk, ex-matriarche africaine reconvertie en lanceuse d’anathèmes depuis que la météo lui avait pris ses hanches.

Le feu crépitait. Le silence aussi. Puis :

— T’as vu cette histoire de conclave ?
— Tsssss… Encore une connerie pour amuser les gueux .

— Tu pourrais être un peu optimiste pour une fois. Ma nièce Defaitus va peut-être se présenter.
— Ta nièce est une courge. Écrasée. Rancie. Sans sel.

— Merci pour elle.
— Non mais faut arrêter. Chaque fois c’est pareil : t’as tous les dégénérés du royaume qui se pointent en soutane trop grande, ils promettent des miracles, et à la fin ils élisent le plus débile, parce qu’il a souri à une vieille et offert une hostie gratuite.

Mémère sirota sa tisane vénère.
Elle savait que Souk avait raison.
Souk avait toujours raison.
C’était d’ailleurs pour ça que personne ne l’invitait plus à Noël.


Pendant ce temps, dans un ballet aussi grotesque que cérémonial, des dizaines de cardinaux convergeaient vers la Chapelle Sixtine.

Rouge vermillon, chapeaux empesés, bottines cirées, bagouzes brillantes et ego surdimensionnés.

Ils marchaient comme s’ils portaient chacun le destin du monde…
Mais en réalité, ils venaient surtout défendre leur place, leur passe-droit, leur prime et leur droit divin à dire n’importe quoi sans jamais se remettre en question.

Ils s’apprêtaient à élire un président.
Ou un pantin.
Ou un clown sacré.

Mais quoi qu’il arrive, Dieu allait pleurer de rire.
avatar dinon
De dinon
Le 12/06/25 à 13:17:35

je vous pardonne
avatar kewii
De kewii
Le 15/06/25 à 00:01:06

La suite ! La suite !
De padrig
Le 15/06/25 à 03:51:57

Bravo
avatar jessicaparker
De jessicaparker
Le 15/06/25 à 11:31:16

Dans une petite maison proprette au carrelage douteux mais à l’ambiance chaleureuse, Olivia s’affairait avec une tendresse qui n’était pas feinte (mais clairement épuisée).
Elle préparait les valises de son fils, le regard plein d’amour et d’inquiétude passive-agressive.

— Mon Dieu… Bebecash… tu grandis trop vite.
Hier encore tu te roulais dans les gravillons du Conseil Constitutionnel en criant “je veux être président !”
Aujourd’hui tu pars au conclave comme un grand.

Bebecash, 10 ans, le regard déjà blasé comme un ministre de second plan, leva à peine les yeux de son bol de chocapics.

— Ton père ne va pas tarder à venir te chercher.
J’espère que tu seras sage. Et poli. Avec les copains de papa.

— Hmmmmmm.
Réponse standard. Niveau d’enthousiasme : escargot suicidaire.

— Oui, je sais. Ce sont pas des lumières. Mais ils sont fidèles.
Et puis tu vas retrouver Nounours et Tata.

À l’évocation de Nounours, un mince rayon de soleil traversa le visage du petit garçon.
Un sourire sincère.

— Je t’ai préparé trois valises.
Une avec tes soutanes de rechange et des slips propres et une pour ta réserve personnelle de Chocapics.
Et la troisième, tu sais à quoi elle sert ?

— Euh… ? C’est du miel. Pour Nounours.
Parce que si ce feignant commence à refaire des siestes de 12h, on va encore devoir lui injecter du sucre en intraveineuse pour qu’il daigne lever un doigt au conclave.


Bip bip. Vroum. Klaxon x3.
La symphonie du beauf en approche.

— Ton père est là…

Devant la maison, moteur rugissant, clim à fond, musique trap orthodoxe en fond sonore, une voiture de sport flambant neuve brillait sous le soleil comme un péché fiscal.
À l’intérieur, lunettes de soleil, chemise ouverte, chaîne en or qui brille ( Réf marseillaise ;-)), le patriarche attendait son fils :

Cash.
L’homme. La légende. Le cliché roulant.
Un mélange entre influenceur de Dubaï, videur de boîte de nuit et ministre de l’intérieur par intérim.

Bebecash arriva, ses valises dans chaque main, les Chocapics bringuebalant dans la 2e.

Il s’arrêta devant la voiture, leva les yeux au ciel et lâcha, entre les dents :

— Un vrai Kéké marseillais…

Il balança ses bagages dans le coffre comme on jette ses illusions, s’installa côté passager et boucla sa ceinture en soupirant.

Olivia, restée sur le pas de la porte, les regarda partir à toute allure, dans un nuage de poussière, de décibels et d’orgueil paternel.

Elle murmura, mi-émue, mi-exaspérée :

— Et dire qu’il est censé sauver VPM…


*****

Pendant que Bebecash et son père fonçaient vers la Sixtine en klaxonnant comme des footballeurs après une enieme élimination au premier tour , le cardinal Pougne, lui, toisait son stagiaire avec un mélange d’ennui, de mépris et d’insondable désespoir.

— Alors, mon petit PierreSansValeur… Dis-moi.
Quels sont les favoris pour cette vaste mascarade déguisée en conclave ?

PierreSansValeur, droit comme un piquet et aussi crispé qu’un curé en boîte de nuit, sortit un petit carnet broché « Hello Kitty Conclave Edition » et se racla la gorge.

— Hum hum.
Voici la liste officielle des principaux candidats :

• Danger

Ancien fidèle second de Gargamel, aujourd’hui cultivateur de tomates bio à Bordeaux.
Il affirme avoir vu la lumière divine ou une hallucination due à un engrais périmé. Résultat : il est entré au monastère et veut “réparer le monde avec de la sauce tomate et des Ave Arno”.

• Nounours

Apiculteur breton, ex-présentateur de jeux incompréhensibles sur VPM TV.
Diagnostiqué narcoleptique sévère après s’être endormi pendant sa propre campagne électorale.
Il est adoré du peuple… surtout quand il dort.

• Cash

Ex-détenu, révolutionnaire autoproclamé, pilier de comptoir à Toulon, charisme de cagole sous stéroïdes.
Il parle fort, boit sec et menace souvent de “faire péter le système”…
Surtout quand il a perdu a la belote .

• Defaitus

Candidate récurrente des “Éléphants à Bamako”.
Influenceuse politique, vloggeuse ratée, auteure du best-seller “Comment perdre pour les nuls”.
C’est la seule à avoir échoué dans 9 scrutins consécutifs, y compris celui des “meilleurs fromages corses”.

• Capucin

Ex-constructeur de moulins à vent, reconverti en expert en retournement de veste professionnel.
Il change de doctrine plus vite que son ombre, et son programme est un fichier Word vide avec écrit en haut : “voler les idées des autres ”.

• Et moi-même, votre Sainteté,

ajouta PierreSansValeur avec un sourire fier,
— …je suis également candidat.

Un silence.
Épais.
Lourd.
Presque biblique.

Pougne se leva lentement, chaque vertèbre craquant comme un vieux parquet vaticanesque.

Il observa son stagiaire avec la compassion glaciale qu’on réserve aux causes perdues.

— Très bien.
Alors… préparons-nous à accueillir cette farandole d’illustres imbéciles.
Et que le plus absurde l’emporte.

Il se retourna vers la fenêtre.
La lumière du matin caressait les vitraux.
Les cloches sonnaient à la volée.
Une colombe passa. Et se prit la vitre.